Manuel sur les procédures d’arrestation et de détention instituées par le Code de Procédure Pénale du Burundi

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Introduction

Il y a de cela un siècle, le sociologue Max Wéber, dans son essai Economie et Société, définissait l'Etat comme l'institution qui détient le "monopole de la violence physique légitime". En conséquence, l'Etat peut être amené à recourir à la force physique, pour contraindre ses citoyens notamment, mais ce recours ne doit être utilisé que légitimement, et bien naturellement légalement. Ce manuel a vocation à rappeler ce cadre légal du recours à la force, en s'appuyant sur des textes de lois Burundais et textes internationaux que le Burundi a ratifiés.

Ainsi, une des prérogatives de l'Etat est de priver de liberté tout citoyen qu'il juge dangereux. Le lexique des termes juridiques définit l’arrestation comme « le fait d’appréhender une personne en ayant recours à la force si besoin est, en vue de sa comparution devant une autorité judiciaire ou administrative, ou à des fins d’incarcération. »

Quant à la détention, elle est définie par ce même lexique comme étant une mesure d’incarcération d’un mis en examen pendant l’information judiciaire, ou d’un prévenu dans le cadre de la comparution immédiate. Le lexique précise par ailleurs qu'étant de caractère exceptionnel, elle ne peut être décidée que dans des cas déterminés par un magistrat du siège après un débat contradictoire, au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public, puis les observations du mis en examen et le cas échéant celles de son conseil.

Ces procédures respectent en effet des principes fondamentaux consignés tant dans les instruments internationaux ratifiés par le Burundi que dans la loi fondamentale qu’est la Constitution de la République du Burundi.

Ainsi nous lisons dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 9 que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé ».

La Constitution en son article 39 stipule que « Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est conformément à la loi. Nul ne peut être inculpé, arrêté, détenu ou jugé que dans les cas déterminés par la loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés… »

C’est dire en définitive que la liberté est la règle et que l’arrestation ou la détention, qui constituent des atteintes à ce droit fondamental, ne peuvent intervenir que dans les cas, selon les modalités et pour des fins que la loi détermine. Les arrestations et/ou les détentions effectuées en dehors des prévisions légales constituent des infractions prévues et punies par la loi burundaise.

Ainsi l’article 392 du nouveau code pénal burundais stipule que « Le fait pour un magistrat, de dénier de rendre justice après en avoir été requis est puni de huit jours à un mois de servitude pénale principale et d’une amende de cinquante mille francs à cent mille francs ou d’une de ces peines seulement.

S’expose aux sanctions prévues à l’alinéa précédent, l’Officier de police judiciaire ou le Magistrat instructeur qui, sans excuse valable, dépasse les délais prescrits par le Code de Procédure Pénale ».

Nous retiendrons d’ores et déjà que si l’arrestation peut être opérée par un Officier de Police Judiciaire ou par un Officier du Ministère Public, la détention quant à elle est une phase de la procédure où intervient exclusivement l’Officier du Ministère Public, sous le contrôle du juge de la détention.

Quant aux procédures d’arrestation et de détention, elles sont prévues aux articles 8 et 57 à 96 du C.P.P.


De l’arrestation

Le C.P.P désigne en son article 57 sous le terme de rétention les différentes situations où l’Officier de Police Judiciaire est amené à procéder à l’arrestation des personnes. Il s’agit de la rétention de police judiciaire ou garde à vue, la rétention prévue à l’article 8 du même code ainsi que les rétentions de sûreté.

De la garde à vue (articles 58 à 66 C.P.P.)

Définition - La garde à vue est le fait de retenir, pour une cause et pendant une durée déterminée, une personne sur le lieu même de son interpellation, ou dans un local de police ou de sûreté, pour les besoins d’une mission de police judiciaire ou de justice (art.58 al.1er C.P.P).

Conditions et procédure

  1. Les personnes concernées par la garde à vue
    1. Dans le cadre de l’enquête préliminaire (art 8 du CPP) sont visées les personnes à l’endroit desquelles il existe des indices faisant présumer qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction.
    2. Dans le cadre d’une enquête flagrante, les OPJ peuvent retenir toute personne susceptible de fournir des renseignements. Art 17 CPP
    3. Dans les deux cas, le simple témoin ne peut être retenu que le temps nécessaire à sa déposition.
    4. La durée de la garde à vue
    5. En principe, la personne gardée ne peut être retenue pendant plus de 7 jours comptés d’heures en heures.

Exceptionnellement, la mesure peut être prolongée du double de ce délai, uniquement sur décision de l’Officier du Ministère Public.

  1. Les garanties encadrant la GAV
    1. Le procureur de la République doit être informé sans retard et par tout moyen du placement en GAV.
    2. Tout placement en GAV doit faire l’objet d’un procès verbal dressé par l’OPJ responsable avec tous les renseignements liés à son identité, les circonstances de cette rétention, les jour et heure de son interpellation, la nature et les motifs de la rétention ainsi que le lieu où s’est effectué la GAV, ainsi que le stipule Art 61CPP
    3. La personne retenue doit être informée de ses droits Art 61 al2. Elle doit pouvoir bénéficier d'un avocat (article 92), et si besoin est, d'un interprète (article 97).
    4. Lorsque le délai légal de GAV arrive à expiration, la personne retenue doit être soit présentée au procureur de la République, soit remise à la liberté avec transmission immédiate des rapports à cette même autorité.
    5. Lorsque le délai légal de garde à vue arrive à expiration, la personne gardée à vue doit être présentée au procureur ou remise en liberté (art.64). Le Ministère Public peut à tout moment mettre fin à une garde à vue qu’il n’estime plus justifiée.
    6. La possibilité de communiquer avec son avocat.


En définitive, la garde à vue :

  1. est opérée pour une mission de Police judiciaire ou de justice (enquête d’exécution d’un mandat de justice ou d’une peine privative de liberté).
  2. Ne peut être effectué que par un officier de la Police Judiciaire dénommée qui en assure la responsabilité (art.50 al.2) sauf en cas d’infraction flagrante ou réputée tel et en l’absence d’autorité judiciaire où toute personne peut se saisir de l’auteur présumé de l’infraction et le conduire devant l’autorité compétente la plus proche (art.21 C.P.).
  3. Ne peut excéder 7 jours sauf prorogation décidée par le Ministère Public et limitée au double de ce délai (art.60 C.P.P).

N.B : Ce délai est malheureusement dépassé à cause notamment du manque de moyens de transport, du manque d’inspection des cachots mais aussi du fait de la mauvaise foi de certains Officiers de police judiciaire.

  • Doit faire objet d’un P.V., présenté à la signature de la personne retenue et transmis en original au Procureur de la République. (art.61 CPP).

N.B : il convient donc pour chaque avocat visitant son client en GAV d'adopter le réflexe de vérifier si le PV est valide, et dans la limite des délais impartis.

Il y a lieu de déplorer ici que la loi n’indique pas exactement le moment de transmission de ce P.V. Les Officiers de Police Judiciaire de mauvaise foi se cachent derrière cette obscurité légale pour transmettre tardivement le P.V. au Procureur. Ce qui fait que le Ministère Public n’est pas informé en temps utile des activités de la Police judiciaire. Sur ce sujet, il est à signaler que l’article 58 al2 du CPP stipule que la garde à vue est effectuée par un Officier de Police Judiciaire dénommé qui en assure le contrôle et en assume la responsabilité

  • Implique une restriction de communication avec l'extérieur. Néanmoins, la personne gardée à vue a la possibilité d'informer ses proches de la mesure dont elle fait l'objet. En outre, l'OPJ ou le magistrat concerné apprécient la situation et décident du niveau d'isolation nécessaire de la personne retenue (art.62).


De la rétention prévue à l’article 8 C.P.P.

Cette disposition autorise l’Officier de Police Judiciaire de se saisir de l’auteur présumé de l’infraction qui normalement échappe à sa compétence à charge pour l’Officier de Police Judiciaire de le conduire immédiatement devant l’autorité compétente.

L’une des conditions suivantes doit néanmoins être vérifiée :

  • Infraction punissable d’un an de servitude pénale au moins.
  • Existence de raisons sérieuses de craindre sa fuite.
  • Identité inconnue ou douteuse.

La durée de cette rétention doit être strictement limitée au temps du transport nécessaire sans toutefois dépasser 36 heures.

Des rétentions de sûreté

Dans certaines situations particulières, dictées généralement par des raisons de sécurité publique, l’Officier de Police Judiciaire peut se saisir d’une personne pour une durée très limitée.

Il s’agit des cas suivants :

  • De la rétention pour état d’ivresse manifeste qui ne peut excéder 24 h (art.67).
  • De la rétention pour séjour irrégulier au Burundi : ne peut dépasser 15 jours (art.68).
  • De la rétention pour contrôle ou vérification d’identité : ne peut dépasser 24 h (art.69).
  • De la rétention pour état mental dangereux. (article 70)

Lorsque l’état mental d’une personne constitue un danger pour elle-même ou pour autrui, l’Officier de Police Judiciaire ou du Ministère Public doit, soit la conduire immédiatement dans l’établissement le plus proche possédant un service médical de psychiatrie, soit la mettre en rétention dans une maison pénitentiaire ou un cachot de police, en attendant son transfert dans les meilleurs délais à un centre approprié.

De la Détention Préventive (art.71 à 91 CPP)

La détention préventive se situe dans la phase préjuridictionnelle et fait intervenir l’officier du Ministère Public qui place l’inculpé sous mandat d’arrêt provisoire, en attendant que la détention ne soit confirmée par le juge, compte tenu de son caractère exceptionnel.

Conditions

Les conditions de la détention préventive sont posées par l’art.71 C.P.P. L’inculpé ne peut en effet être mis en état de détention préventive que s’il existe contre lui des charges suffisantes de culpabilité et si les faits qui lui sont reprochés paraissent constituer une infraction que la loi réprime d’une peine d’au moins une année de servitude pénale.

En outre, elle ne peut être ordonnée ou maintenue que si elle est l’unique moyen de satisfaire à l’une au moins des cinq conditions suivantes :

  1. Conserver les preuves et les indices matériels ou empêcher, soit une pression sur les témoins ou les victimes, soit une concentration frauduleuse entre inculpés, coauteurs ou complices.
  2. Préserver l’ordre public du trouble actuel causé par l’infraction ;
  3. Protéger l’inculpé ;
  4. Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;
  5. Garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice.

Procédure

La détention préventive qui se situe pourtant dans la phase préjuridictionnelle respecte une procédure complexe qui fait intervenir l’Officier du Ministère Public et le juge de la détention. Cette procédure pourrait se résumer comme suit :

Le mandat d’arrêt

Lorsque les conditions de la mise en détention préventive sont réunies, l’Officier du Ministère Public peut, après avoir interrogé l’inculpé, le placer sous mandat d’arrêt provisoire, à charge de le faire conduire devant le Juge le plus proche compétent pour statuer sur la détention préventive. Art 72 al.1 Toutefois, le mandat d’arrêt provisoire ne vaut que pour 15 jours. N.B. La loi ne précise pas s’il s’agit de jours ouvrables ou pas.

Passé ce délai, l’inculpé et le responsable de la maison d’arrêt peuvent saisir par voie de requête la juridiction compétente, sans préjudice des sanctions disciplinaires à l’encontre du magistrat instructeur défaillant (art.72 al.3).

L’autorisation de mise en détention préventive

  • Le pouvoir de placer l’inculpé en détention préventive appartient à l’officier du Ministère Public.
  • Les conditions requises pour mettre un inculpé sous mandat d’arrêt provisoire sont les mêmes que celles requises pour la mise en détention préventive.
  • Le juge saisi a pour mission de vérifier si à la date de son audience en chambre de conseil, les conditions justifiant la mise en détention préventive sont réunies.
  • L’ordonnance statuant sur la détention préventive est rendue en chambre de conseil dans les 48 heures de la saisine de la juridiction, sur réquisition du Ministère Public et l’article 74 CPP pose comme préalable que l’inculpé est assisté de son avocat.
  • L’ordonnance autorisant la mise en détention préventive est valable pour 30 jours, après quoi la détention peut être prorogée par décision motivée pour un mois ainsi de suite.
  • Toutefois, la détention préventive ne peut dépasser douze mois si le fait paraît ne constituer qu’une infraction à l’égard de laquelle la peine prévue par la loi n’est pas supérieure à cinq ans de servitude pénale.

N.B Dans la pratique ces dispositions sont rarement respectées. En effet très peu d’Officiers du Ministère Public sollicitent la prorogation de la détention après l’expiration des 30 jours suivant l’ordonnance de mise en détention. Ce qui fait que dans les prisons, on y trouve beaucoup d’inculpés, détenus sur la base de pièces périmées.

En plus, on recense également des inculpés en détention préventive depuis plus d’une année alors qu’ils ne sont poursuivis que pour de simples délits.

  • Le juge de la détention peut décider la mise en liberté provisoire avec caution mais sous certaines conditions, notamment celle de ne pas entraver l’instruction et de ne pas occasionner le scandale par sa conduite. Art 76 al.1

NB. L’alinéa 3 de l’article 76 CPP stipule que le prévenu peut bénéficier de la mise en liberté provisoire sans verser le cautionnement lorsque sa situation économique ne lui permet pas de le payer.

  • L’Officier du Ministère Public peut faire réincarcérer l’inculpé qui manque aux charges qui lui ont été imposées. Art 78 al.1

Toutefois l’alinéa 2 de cette même disposition accorde à l’inculpé qui conteste être en défaut le droit d’adresser dans les quarante-huit heures de sa réincarcération, un recours au Juge qui avait statué en premier ressort sur la mise en détention ou sur sa prorogation.

NB. La décision rendue sur ce recours n’est pas susceptible d’appel.

  • Les ordonnances rendues en matière de détention préventive sont susceptibles d’appel devant la juridiction immédiatement supérieure et ce endéans 48 heures (art.81 à 83 CPP).
  • En cas d’appel, l’inculpé est maintenu en l’état où l’ordonnance l’a placé.

Toutefois, lorsque l’infraction est de celles que la loi punit de cinq ans de servitude pénale au moins, l’officier du Ministère Public peut, dans le cas d’une ordonnance refusant d’autoriser la détention préventive, ordonner que l’inculpé soit replacé sous les liens du mandat d’arrêt provisoire et, dans le cas d’une ordonnance refusant de proroger la détention, ordonner que l’inculpé soit replacé sous les liens de l’ordonnance qui l’autorisait. (art.84 al2. CPP).

A noter que l’alinéa 4 de cette disposition précise que cet ordre doit être motivé.

  • Si le prévenu se trouve en état de détention préventive, avec ou sans liberté provisoire, au jour où la juridiction de jugement est saisie, il restera en cet état jusqu’ au jugement. Toutefois, il peut demander au Tribunal saisi, soit la mainlevée de la détention préventive, soit sa mise en liberté provisoire. Art 89

Conclusion

Les procédures d’arrestation et de détention instituées par la loi n° 1/015 du 20 Juillet 1999 portant réforme du Code de Procédure Pénale sont assez complexes et requièrent beaucoup de formalismes compte tenu de leur caractère exceptionnel. Toutefois, en attendant qu’un jugement de condamnation soit coulé en force de chose jugée, la présomption d’innocence subsiste en faveur de l’inculpé même si entre temps ce dernier demeure en détention préventive.

Ainsi, tout en invitant tous les acteurs de la justice pénale burundais à respecter et à faire respecter au tant que faire se peut les dispositions du C.P.P, nous demandons aux pouvoirs publics de disponibiliser tous les moyens nécessaires en vue de permettre la mise en application effective du C.P.P pour que le respect des droits de la personne accusée de crimes demeure un principe de base auquel la législation burundaise accorde une importance capitale.



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